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La littérature autrement...

La littérature autrement...
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19 juillet 2006

Calvaire (suite)

VI- La venue du dramatique
Le spectateur rentre peu à peu dans le déséquilibre cérébral de Bartel. La position de voyeur lui confère une posture malsaine, à la limite du recevable. Ainsi, lorsqu'on assiste aux scène de tortures, l'effet carthartique prend toute son empleur : la tonte de cheveux, la scène d'évasion dans la forêt (et cet insupportable Boris, qui ne le détache pas!) mais aussi et surtout la scène de cruxifixion qui renchérit le sens du titre choisi par Du Welz.

VII- La danse
Cette véritable plongée dans le fantastique (au sens où Tzvedan Todorov l'entend) donne un nouvel élan au film. Tout y est réussi. L'ambiance glauque, les personnages désaxés, démesurément grand et laid. Le crescendo du morceau de piano donne une impression malsaine d'irréelle, d'un ailleurs morbide et malsain. l'attitude à  la fois sensuelle et dérangeante des "danseurs" met assurément le spectateur en déroute. D' autre part, la danse qu'ils effectuent renvoit l'image des marionettes, de pantins.

VIII- Le repas avec Boris
On retrouve, d'entrée de jeu, la même violence avec laquelle Gaspard Noé filme ( Irréversible, par exemple). Ce moyen d'appréhender le mouvement rappelle la descente aux enfers de Marc Stevens mais aussi la confusion que Du Welz veut installer un moment...Brouiller les pistes, les hommes, les genres

IX- Sans fin...
L'arrivée des villageois, à la fin du film, parachève l'idée de violence qui germait dans le film. Pourchassé par le personnage incarné par Philippe Nahon,  Marc Stevens s'échappe vers un ailleurs à travers la forêt...calvaire_2

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18 juillet 2006

Calvaire

Après une heure trente passée aux côtés de Laurent Lucas, Berroyer et Nahon (l'imposant Philippe Nahon), nous nous rendons compte que le film ne peut laisser de marbre. On a besoin d'en parler, d'exorciser ce daïmon qui gît en nous parce que le film met réellement mal à l'aise.
Afin de mieux saisir l'intérêt de notre propos, voyez le film. Pour les autres, en voici le synopsis:
Marc Stevens est un chanteur itinérant. A l'hospice, le concert est terminé. Celui-ci reprend la route, mais il tombe en panne au milieu de nulle part. M. Bartel, un aubergiste psychologiquement fragile depuis que son épouse Gloria l'a quitté, le recueille.
C'est alors que commence le cauchemar de Marc : M. Bartel voit en lui l'incarnation de son ex-femme et tout le village est persuadé que celle-ci est rentrée au pays.

Beaucoup on discuté sur  la genèse, les enjeux cinématographiques ou encore les topoï de ce film. On pourra enrichir notre propos en se rendant sur le site allociné. Notre propos, quant-à-lui, se bornera à tenter de démontrer les différents genres utilisés par Fabrice Du Welz.
Le film est construit en tryptique. La première partie, essentiellement narrative met en place, doucement, les ingrédients du calvaire. La seconde partie, quant-à-elle, est plus descriptive que narrative et s'attache à décrire l'essence du calvaire de Marc Stevens. Enfin, la dernière partie tente d'apporter un remède à ce calvaire. Cette dernière partie, c'est aussi celle où l'on sort du duo Lucas-Berroyer et le champ visuel s'ouvre vers les villageois.

A- DISSECTION : LES GRANDES ETAPES DU FILM

I- Les dix premières minutes: le monde du réel

La première partie du film est marquée par des éléments qui appartiennent à la comédie. D'abord, le métier de chanteur itinérant apparaît aujourd'hui désuet bien qu'il revête ici, aux yeux du protagoniste, une certaine importance.L'idée du maquillage aussi entre dans cette mise en scène. La chanson d'ouverture n'est pas sans rappeler certains airs de Dalida, un brin pailleté. La jovialité et la sensualité qui se dégagent de Brigitte Lahaie (l'infirmière de la maison de retraite) apportent une touche suave et édulcorée à cet aspect de la comédie.
Reste une scène marquante : une pensionnaire rend visite à Marc après sa représentation et réclame qu'il le caresse. La description de la vieille agrandit ce contraste en rêve et réel. La "faveur" qu'elle lui demande met le téléespectateur, autant que Marc Stevens, dans le même état...et nous concluons sur ces mots qui donnent le ton de la scène " espèce de sale putain, vieille pute, salope, tu as tout gâché" (sic 5"10). Le fait que Marc n'arrive pas à redémarrer imédiatement son camion donne au téléspectateur un avant-goût de panique. On peut en effet y voir sur le même plan Brigitte Lahaie, groupie de Marc Stevens, pleine d'espoir éroticisé, mais aussi Marc Stevens, inquiété par cette histoire de camion...ne pas rester, fuir...

II- Deux hommes
Bartel, le personnage que campe Berroyer appartient à un autre monde. Si celui de Marc Stevens, dont les sonorités rappellent les poncifs des pseudonymes anglo-saxons ou américanisants, est le monde des paillettes (toutes proportions gardées), l'univers de Bartel s'inscrit entre son auberge abandonnée, Boris, et les villageois.
Le personnage aussi a quelque chose de carcéral : il ne descend jamais au village, vit de sa solitude. Le physique des deux protagonistes donne d'entrée de jeu une différence notoire: le visage de Bartel est usé par la solitude, la crasse masculine (barbe et chevelure). Chez Stevens, c'est la fraicheur et la jeunesse qui dominent le jeune homme. Son aspect polissé et fringuant apparaît donc en opposition avec les traits de Bartel. Si Bartel est ancien comique ( référence à la blague -potache- qu'il sort pendant le diner), Stevens est un chanteur en pleine force de l'âge, mais aussi en pleine gloire, comme Bartel va le découvrir dans son estafette.

III- La promenade
On a souvent glosé sur le caractère dérangeant de la scène de la promenade. Il n'en est rien! Elle s'ouvre d'abord par une description : la forêt en hiver. Le paysage blanc apporte une certaine purté à l'image et agit en constraste avec la scène des villageois. Stevens, dans la position du voyeur, ne nous fait point partager l'acte zoophile, même si les râles, qui vont crescendo, laissent le spectateur terrifié.
Ce que Du Welz nous montre, c'est l'absence. Le paysage devient miroir de la vie des villageois. Si les terres sont vides, les femmes sont aussi absentes. Rappelons à ce titre le topos de la fertilité qui entre dans la composition du film. Du Welz, dans une visée plus déterministe, nous renseigne sur le célibat dans les campagnes, un leitmitv dans les Survivals.

IV- La (s)Cène
Marc Stevens, attablé, appartient désormais à l'aubergiste. En partageant le repas, il devient malgré lui son ami, complice, même si la figure traître de Bartel apparaît en filigrane : On y apprend que "le sens de l'humour est parti avec Gloria" (sa femme disparu). Il n'appartient désormais plus au "monde des artistes". L'histoire qu'il raconte rappelle les blagues de comptoirs et arrache, quelques temps, le spectateur de la tension permanente. Le repas, l'ambiance apportent une tonalité macabre qui reste prometteuse : le rouge et le noir sont souvent solicités. L'ange  représenté par le pull blanc de Stevens entre en relation avec la figure de Bartel, auréolé de noir et de pourpre. La fin de la scène nous montre Bartel, au bord de la folie...le spectateur, rivé sur Bartel, a compris que désormais, Bartel ne sera plus le même

V- L'ange et le Diable
Dépassé, Stevens apparaît plus comme un martyr que comme un homme. Bartel, quant-à-lui, augmente l'intensité de sa folie et rend le spectacle plus facinant et plus cruel, chacun échappe à l'autre. Mais Bartel a la violence pour lui: la scène de folie rend compte de cette animosité qui échappe à Bartel et l'entraîne dans une folie...amoureuse. S'il casse le camion de Steven, c'est pour ne pas le laisser échapper, comme il a laissé échappé Gloria. Le "transfert" freudien ainsi effectué; le calvaire peut alors commencer...

SUITE BIENTOT...CALVAIRE

10 juillet 2006

"L' effet de réel" (Roland Barthes) : Théorie des couleurs

Barthes parle d'effet de réel dans une analyse sur l'esthétique de Flaubert. Il note que chez Flaubert, "la fin esthétique de la description est encore très forte." La description n'est pas justifiée par la logique de l'oeuvre, mais par les lois de la littérature. La description de Flaubert ajoute aux contraintes esthétiques des contraintes de réalisme. Ainsi, des détails inutiles n'ont, selon Barthes, aucune autre fonction que de produire un effet de réel.

Dans le même mouvement, l'idée d'ajouter une couleur appartient très nettement à cet "effet de réel" barthésien. Détail inutile, elle permet d'égayer le journal de bord. Un changement de couleur indiquera aussi un changement de ton. La palette offerte par le serveur étant intéressante, il nous a parut agréable de jouer avec les tons afin d'enjoliver ce journal de bord.
On observera ainsi, tout au long de cette aventure cérébrale, des couleurs qui se modifient selon le gré de l'expression, le ton de l'auteur...Par exemple, il semblerait décalé d'écrire un commentaire sur Noir désir en ...rose! ou bien d'utiliser des couleurs criardes pour évoquer Brassens.
La couleur a donc un statut particulier. Si elle donne d'entrée de jeu le ton du commentaire, elle met aussi en place une symbolique qui rappelle le style de l'écrivain. En gage d'honnêteté, il nous semblait normal de rappeler deux ouvrages importants qui ont participé à l'édifice cet univers de la symbolique:  Le
Dictionnaire des Symboles de Chevalier, mais aussi Des couleurs symboliques dans l’antiquité, le Moyen-âge et les temps modernes de Frédéric Portal. Ces deux trésors nous permettent d'abord d'appuyer notre idée sur la symbolique liée aux couleurs, mais ils reserviront bien assez tôt dans nos recherches quotidiennes.
La couleur a donc un pouvoir immédiat sur le lecteur, oscillant sans cesse entre le concrèt (ce que je vois) et l'abstrait (ce qu'elle représente, ce que je puis conceptualiser à partir d'elle). On nous dira alors : " Il faut écrire les récits érotiques ou pornographiques en rose, les romans gothiques en noir...". Loin s'en faut! N'oublions pas que la couleur est, au même titre que le prénom, ambivalente.

Alors, colorions nos commentaires, mais sciemment...


A parcourir :

Barthes, Roland, Littérature et réalité, Paris, Seuil, 1982, p. 81-90, « L’effet de réel »


10 juillet 2006

AD LECTOREM

L'idée liminaire de ce journal de bord est d'abord de retranscrire sentiments, impressions et idées sur le monde culturel qui nous entoure. Certes, l'on ne trouve pas tout mais la visée principale consiste à approcher, à l'aide de différents outils, diverses "paires de lunettes" (herméneutiques, médicales, freudiennes...), la musique, le septième art mais aussi la littérature.

Les idées, interprétations qui seront émises, aussi quotidiennement que possible, sur ce journal de bord sont évidemment subjectives. Qu'on me pardonne alors pour certaines erreurs d'interprétation, certains "mal-dits", certaines longueurs peut-être... Mais l'intérêt ne réside pas dans l'action mais plutôt dans l'intention.

En effet, si la critique s'est souvent intéressée aux "Grands" de la musique (et notamment classique), du cinéma (la littérature sera traitée avec plus de profondeur), elle a malgré elle jugé avec une facilité déconcertante certains auteurs dits mineurs. Cette volonté de rendre à certains auteurs leurs lettres de noblesse doit d'abord passer par des études sur le sens caché de leurs textes. ainsi, on pourra dégager des thématiques, des "thèses" sur tel ou tel auteur, telle ou telle oeuvre...

Ainsi, tout au long de ce journal, nous aurons droit à un réquisitoire en filigrane, à travers des commentaires sérieux et réfléchis sur des auteurs, des textes, des paroliers, des acteurs etc...

D'autre part, ce journal est placé sous le joug de l'innovation. En effet, les auteurs commentés restent exhaustifs et chaque moment de la vie appelle à être une trouvaille ingénieuse. Voilà pourquoi nous devons considérer ce "blog", non comme une réalité existante et définitive, mais au contraire comme un journal de bord, un petit cahier sur lequel toute note en entraîne une autre... c'est un champ perpétuellement en construction et l'idée même d'un parachèvement pourrait faire ombre à l'idée liminaire exposée supra.

Enfin, vous trouverez aussi un intérêt particulier dans des liens qui seront proposés pour tisser votre propre toile culturelle. Nous proposons aussi une rubrique consacrée aux travaux de recherche que j'ai menés à l' Université d'Angers.

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